Rémi Sulmont
RTL – 16/02/2017
L’État entend bien combler le vide juridique entourant l’usage des engins à roulettes qui roulent « sans permis » sur les trottoirs de nos villes.
Vous en aviez assez de perdre des heures au volant dans les embouteillages ? Vous n’arriviez plus à garer votre scooter ? Le vélo, le métro ou la marche à pied, c’est dépassé. Vous habitez une grande ville ? Vous êtes CSP+ plutôt qu’ouvrier ? Alors vous avez peut-être déjà acheté un gyropode, un engin électrique à roulettes. En tout cas, vous êtes pile dans la cible.
Ou alors vous êtes piétons, et vous voyez de plus en plus nombreux slalomer sur les trottoirs : les trottinettes électriques, les Segway (avec un guidon), les hoverboards (sans guidon qu’on conduit en se penchant) ou les monoroues (une seule roue qu’on coince entre ses pieds). Si vous êtes ce piéton qui en a assez, Jean-Paul Lechevallier a pris votre défense. Le président de « Droit des piétons » est parti en guerre contre les engins de déplacement personnel (EDP).
« Ces engins sont très silencieux, mais c’est aussi une source de troubles pour les piétons », affirme-t-il. « Le piéton âgé, qui voit surgir de son dos un hoverboard, est surpris et destabilisé. Ce qui est gênant pour le piéton, c’est qu’il ne se sent plus en sécurité sur le trottoir », poursuit Jean-Paul Lechevallier. Il demande que ces véhicules « sortent des trottoirs pour circuler sur les pistes cyclables ».
Combien d’accidents ont-ils été provoqué par ces engins ? Combien de chutes, combien d’hospitalisations ? Il n’existe aucune statistique. Car sur le trottoir, on ne fait pas appel à la police. On ne sait donc pas combien il y a d’accidents de gyropodes. Mais tout le monde est d’accord sur une chose : il y a besoin de fixer des règles.
Même les juristes perdent les pédales
Quelle est la loi aujourd’hui ? Où ces engins ont le droit de rouler ? On est dans le flou. Même les juristes perdent les pédales. Ces engins ne peuvent pas circuler sur la chaussée, sinon il faudrait qu’ils soient immatriculés. Ils ne répondent pas non plus à la définition du cycle, car ils n’ont pas de siège. Alors ce sont des piétons ? Encore perdu ! Car selon le Code de la route, seuls les cyclistes âgés de moins de 8 ans ou les fauteuils roulants à « l’allure du pas » sont autorisés sur le trottoir.
Il y a donc un vide juridique qu’il faut combler. Selon nos informations, une réunion interministérielle doit avoir lieu ce mois-ci pour tenter d’arbitrer. Ce ne sera pas facile, car deux logiques s’affrontent. « On doit protéger les piétons parmi lesquels les les enfants et les personnes âgées », disent les uns. « On ne peut pas envoyer les utilisateurs de ces nouveaux engins au casse-pipe sur les pistes cyclables et donc sur la chaussée quand il n’y a pas de pistes réservées », répondent les autres.
« Pas sûr qu’on arrive à se mettre d’accord »
Nous avons donc un vrai problème, et nous ne sommes pas les seuls. Nos voisins n’ont pas trouvé de bonne solution. En Grande-Bretagne on les a classés comme des voitures, et en Allemagne, comme des vélos. La Belgique, elle, n’a pas vraiment tranché : l’utilisateur d’un gyropode peut rouler sur le trottoir s’il roule au pas. Sinon, c’est sur la route. Vous imaginez : il va falloir mettre des radars sur le trottoir.
Certains, dans les ministères en France, espèrent trancher la question avec un décret au printemps. « Mais c’est pas sûr qu’on arrive à se mettre d’accord », nous a confié l’un des responsables de ce dossier, bien conscient qu’il y a pourtant une urgence à fixer une règle. Pour ne pas laisser s’installer des pratiques anarchiques à l’heure où l’on veut promouvoir des transports alternatifs à la voiture.