Le Temps – 30/09/2015
Aïna Skjellaug
De nouveaux engins de transports électroniques arrivent chaque mois sur le marché. La demande est là, la technologie y répond mais le nœud se fait au niveau de la loi et des infrastructures
Heure de pointe à Lausanne, une roue entre les mollets, un homme slalome sans effort entre les piétons remontant courageusement la rue du Petit-Chêne. Droit comme un «i», sa mallette de travail dans une main, son téléphone dans l’autre, il semble flotter sur les pavés. Face à la saturation des moyens de transport traditionnels, il a opté pour un Solowheel, un monocycle électrique pouvant atteindre 22km/h. Cumulable avec d’autres moyens de locomotion, facilement transportable et écologique, ce gyropode semble être une solution à bon nombre de problèmes de mobilité. Seulement, en Suisse, cette pratique est illégale.
«Une loi adoptée le 1er juin 2015 nous a mis des bâtons dans les roues», explique Nicolas Saramon, revendeur de Solowheel pour la Suisse romande. «Sous réserve d’immatriculation, l’engin est assimilé à un cyclomoteur et doit être utilisé sur la chaussée. Or nous ne pouvons satisfaire la liste de normes obsolètes nécessaire pour leur homologation, ce qui les rend de facto illégaux. Et surtout, ces dispositifs ne sont absolument pas conçus pour la route !» Les gyropodes à une ou deux roues devraient donc selon la loi être immatriculés par une plaque, être munis de feux et de capteurs redondants. «C’est spécifique à la Suisse car dans les autres pays européens, à condition de modérer sa vitesse, on peut rouler sur le trottoir,» précise Nicolas Saramon.
Deux rues plus loin, les vendeurs de l’enseigne M-way, spécialisée dans la vente des deux-roues électriques, restent prudents face à l’intérêt croissant de leur clientèle pour leurs trottinettes. «La première chose que nous disons à nos clients, avant-même de leur présenter le produit, c’est qu’en Suisse, l’utilisation de la trottinette électrique est limitée au périmètre privé», prévient le directeur du magasin, Jérôme Mussa Peretto. «Mais ils le savent très bien et l’achètent tout de même pour un usage plus large», concède-t-il.
Les cas d’amende d’ordre données par la police (40 francs pour circuler sur le trottoir) sont rares. «Nous sommes dans les prémisses d’un marché», reprend Jérôme Mussa Peretto. «Les statuts de ces engins ne sont pas encore définis et l’infrastructure pour les accueillir encore moins. Les policiers le savent et se montrent indulgents.» La niche de marché dans laquelle ces produits évoluent s’agrandit. Aujourd’hui tolérés par les forces de l’ordre, ces transporteurs personnels comme les gyropodes et les trottinettes électriques oscillent dans la loi entre jouets et nouveaux moyens de locomotion. La police lausannoise lancera prochainement une campagne d’information et de prévention à ce sujet.