Les Echos – 26/05/2016
Julien Dupont-Calbo
Encore confidentiel, le marché des deux-roues électriques commence à se développer dans l’Hexagone.
L’électrique, outil de diplomatie urbaine ? « Quand on se gare avec le scooter électrique, les gens sur le trottoir ne nous regardent plus de travers. C’est génial », s’amuse Frédéric Stik, le responsable deux-roues de BMW France. Depuis l’an dernier, la marque allemande commercialise un gros deux-roues électrique à 15.000 euros – 500 unités vendues en 2015, normalement un peu plus cette année. « C’est une très bonne surprise », sourit Frédéric Stik, qui pensait en vendre deux fois moins.
Cela ne veut pas dire non plus que Paris, Lyon ou Bordeaux, les grandes villes motocyclistes françaises, ressemblent à Pékin – où les deux-roues ne carburent qu’à l’électrique. L’an dernier, seuls 1.861 modèles ont trouvé preneur en France, contre 1.156 en 2014, selon l’Avere. « Le marché reste confidentiel », admet Olivier Cimetière, le responsable deux-roues de Norauto. Même si ce dernier, dit-il, « offre de très belles perspectives ».
A l’entendre, l’appétence du public grimpe en flèche. « Les clients posent de plus en plus de questions. Et on reçoit en ce moment énormément de mairies, de livreurs de pizzas, de polices municipales ou de clubs de golf », note Olivier Cimetière. « Ça décolle », confirme Frédéric de Maneville, cofondateur d’Eccity, une start-up de scooters électriques installée à Grasse. « On vient de signer un contrat pour 400 modèles avec la Mairie de Paris », se félicite le dirigeant.
Plusieurs atouts
Le scooter électrique revêt en effet certains atouts. D’abord, la facture de carburant est réduite à néant, idem pour le bruit, l’odeur et les vibrations. Les polices d’assurance sont moins chères et l’entretien très limité, le nombre de pièces d’usure étant réduit à portion congrue (les pneus et les freins surtout). Quand à l’autonomie, plus de 80 kilomètres en général, elle paraît largement suffisante pour tenir quelques jours en ville.
Tout comme la vitesse… « Notre scooter monte à 120 km/h, avec une super accélération, sans temps de latence », vante Frédéric Stik, chez BMW. D’après ses calculs, le surcoût de son modèle électrique, 4.000 euros par rapport à un modèle équivalent thermique, s’efface en trois ou quatre ans, vu la différence de coût à l’usage. En revanche, pas d’aide gouvernementale à l’achat, contrairement à ce qui se passe pour la voiture électrique. « On trouve bien quelques aides municipales, mais elles sont plafonnées à 400 euros. Ce que les clients ne comprennent pas, d’ailleurs », regrette Frédéric de Maneville.
Reste que les constructeurs commencent à s’intéresser plus sérieusement au sujet. Hormis BMW, Peugeot Scooters devrait bientôt pousser les feux en la matière, à la demande de Carlos Tavares, le patron de PSA. « Avec notre partenaire Mahindra, nous préparons un nouveau produit, qui va vite arriver », promet Georges Charitat, chez Peugeot Scooters, où l’on ne recense plus de modèle grand public pour l’instant. L’engin en question serait une version européenne du scooter GenZe, concoctée par une start-up californienne dans le giron de Mahindra.
Technologiquement complexe
A vrai dire, le scooter électrique n’est pas une mince affaire. « Technologiquement, c’est assez complexe », souffle Frédéric Stik. Il faut, gérer la charge et la décharge de la batterie, son poids et l’équilibre général de la machine. Et monter un réseau d’entretien ou convaincre ses revendeurs de s’y mettre. Du coup, les marques de scooters reposant sur des constructeurs automobiles partent avantagées par rapport à des acteurs comme Piaggio ou Yamaha, par exemple.
Les fabricants de motos, aussi, restent pour l’heure en relatif retrait. A leur décharge, il ne s’est vendu que 102 motos électriques en France l’an dernier… « Le motard aime le moteur qui pétarade », pense Frédéric de Maneville. Certains essaient pourtant de les convaincre, comme l’américain Zero Motorcycles, qui propose des motos « écolos » passant de 0 à 100 en 3,3 secondes. « On part d’une feuille blanche, mais d’une façon ou d’une autre, le marché se développera », juge Bruno Muller, son représentant en France. L’objectif de son employeur californien ? Devenir le Tesla de la moto, tout simplement.