Tribune de Genève – 08/08/2017
Paul Ronga
Après la voiture et le scooter, Stéphan Cottier est passé à la gyroroue. Son utilisation est illicite mais tolérée sur le domaine public.
Les pieds à vingt centimètres du sol, Stéphan Cottier se déplace aussi vite qu’un vélo, mais avec l’agilité d’un piéton. Il avance, recule ou tourne sur place tout en restant debout. Au lieu que la roue avant détermine la direction et que l’arrière fournisse la poussée, comme à vélo, tout se fait au même niveau et du même geste: l’engin se dirige en se penchant sur le côté et le moteur de sa monoroue électrique obéit à ses inclinaisons vers l’avant et l’arrière.
«Au départ, ma femme et moi avions deux voitures, explique-t-il. J’en ai vendu une et j’ai acheté un scooter. Puis j’ai vendu le scooter pour passer à ce nouveau mode de transport: monoroue électrique et abonnement de bus.» Depuis un an, il défend ce nouveau mode de transport en tant que président de Swiss Wheelers, l’association suisse des usagers de gyororoue.
Son trajet quotidien va du Petit-Lancy à Champel, où il exerce son métier d’informaticien. Selon l’humeur et la météo, il le fait entièrement en roue électrique ou en partie en bus. Le trajet dure une demi-heure: «Aussi rapide que le bus, voire plus court – en monoroue, le trajet est plus direct et on évite les bouchons.»
Cette mobilité, Stéphan Cottier l’utilise pour flâner. Proche du piéton mais trois à quatre fois plus rapide, il transforme son moyen de transport en une petite valise automotrice en un instant: «On entre dans un restaurant ou un bus sans se poser de question.» Dans ce mode, la gyroroue reste lourde à porter (de six à vingt kilos selon les modèles) mais se déplace comme une valise à roulettes: une poignée se déplie et le moteur s’active pour que l’engin roule sans effort.
Le rêve de Stéphan Cottier serait «que la moitié de la ville passe de la voiture à la monoroue électrique». Mais il ne se définit pas comme écolo pour autant. Ce qu’il apprécie dans l’engin ultracompact, c’est son côté futuriste et sportif.
Les sensations du snow
«Après un mois de pratique quotidienne, cela devient presque un prolongement du corps, on gère inconsciemment. Le plus surprenant est l’impression de planer au-dessus de la route.» Il retrouve ainsi la sensation de glisse du snowboard, qu’il a pratiqué dès les débuts. «C’est un objet très addictif, qui rend euphorique. Au début, tout est prétexte à sortir.»
La conduite est plus sportive qu’il n’y paraît. «Quand on commence, après une demi-heure, on est claqué. Les mollets, les abdos, les cuisses travaillent. Ça ressemble à du gainage.»
Illégal mais toléré
A Genève, les adeptes de la monoroue sont rares, par rapport aux trottinettes électriques notamment. Et dans leurs rangs, ils comptent peu de femmes, «à peine quelques-unes, dont la mienne», relève l’informaticien. «Je pense que c’est à cause de la législation.»
Commercialisée dès 2011, la gyroroue a bénéficié d’un flou juridique pendant quatre ans. Mais depuis juin 2015, elle est interdite d’utilisation en Suisse, «sauf sur terrain privé», comme l’indique l’Office fédéral des routes (Ofrou).
«On vit en Suisse; le Suisse est respectueux des lois», résume Stéphan Cottier. Lui a fait le choix d’utiliser une roue équipée qui ne permet pas de dépasser les 20 km/h, alors que d’autres modèles grimpent jusqu’à 45 km/h. Il espère que ces modèles seront homologués dans une catégorie similaire aux vélos électriques légers, également limités à 20 km/h. Et dans l’intervalle, la police genevoise se montre tolérante.
Pour être appelés lors des prochaines consultations de l’Ofrou, des adeptes de la monoroue se sont regroupés en mars 2016 dans l’association Swiss Wheelers, présidée par le Genevois. Ils sont désormais 52 membres. C’est aussi devenu l’occasion de virées en groupe, comme des motards mais en moins bruyant.
La gyroroue fait désormais partie de Stéphan Cottier. Il retrouve dans cet engin commercialisé depuis six ans le même enthousiasme que pour l’ordinateur Apple II, sorti en 1977, sur lequel il s’est formé à l’informatique en autodidacte avant d’en faire son métier. La visibilité en plus: «Les gens me regardent comme un extraterrestre, avec curiosité et envie. La plupart d’entre eux trouvent ça génial et cela ouvre le dialogue.»