Emmanuèle Peyret
Libération – 26/09/2018
Outre ses vertus écologiques et économiques, les adeptes de la trottinette électrique vantent tous un gain de temps sur leurs trajets quotidiens.
Trottinette électrique : «Ça prend moins de place qu’un vélo, c’est accepté partout, au bureau ou chez le docteur»
Mais comment font-ils pour donner l’impression d’être si à l’aise, ces trotteurs qui filent comme le cheval au galop sans peur et sans reproche ? Parce qu’ils viennent souvent du monde merveilleux du deux-roues à moteur, qu’ils roulent aussi à vélo électrique, et ont largué la voiture, chère, polluante et impraticable en ville. Et qu’ils se sont entraînés. Car les transports en ville, c’est long et crevant (ou en panne ou en grève, sans vouloir faire réac).
Fabien Madore, 39 ans, responsable de nos exploits en trottinette électrique (il nous en a prêté une dans l’Oise moyennant 400 euros de caution, le prix de l’engin à l’achat en Chine), arrive à notre rencontre dans un café de la gare du Nord, sur un très pimpant scooter électrique rouge Ferrari (2 400 euros). «Voilà quinze ans que je n’achète que du tout-électrique, voiture, scooter, trotti, pour des raisons évidentes. Moins d’entretien, pas de pollution, beaucoup plus économique : je fais 20 000 km par an en véhicule électrique, soit une réduction de frais sur cinq ans de 30 %.» Et Madore avance un argument de choix qui fait qu’on a accepté de tester les engins : une réduction assez impressionnante du temps de trajet.
On le retrouve chez le Parisien David Picard, 44 ans, qui prend sa trottinette pour atteindre chaque matin la station de métro, la glisser sous les sièges sans gêner personne et «économiser vingt-cinq minutes sur [s]on temps de trajet pour aller au boulot». Idem pour Lisa, 27 ans, à Nice, passée de «1 h 30 pour arriver au bureau via un bus bruyant, avec parfois des disputes entre passagers, à 35 minutes porte à porte pour faire les 10 km de piste cyclable, via le bord de mer».
«Quelques chutes»
Evidemment, c’eût été tentant de faire Chantilly-Balard (59 km) avec sa trotte sous le bras (de 9 à 12 kilos) dans le TER mais non, merci, là, ça fait trop loin (les trottinettes sont en général utilisées pour des trajets assez courts et la moyenne des parcours maison-boulot est de 10 km). Sachant qu’en plus de circuler sur des trottoirs bondés ou des pistes cyclables chargées, on roule dans un flou juridique notable, vu qu’il n’existe aucune réglementation.Normalement, précise Fabien Madore, «il faut être assuré, pour un coût d’environ 80 euros par an, mieux vaut donc contacter son assurance avant de se lancer. Après, pour les trottinettes qui roulent au-delà de 25 km/h, il faut un numéro d’identification gravé sur l’engin et un casque». Certains modèles comme le Dualtron, «à 1 800 euros, peuvent rouler à 80 km/h».
Dans les usages courants en ville, on n’en est pas (encore ?) là. Les loueurs ou Lime, la société américaine qui propose ses trottinettes en libre-service, ont des engins bridés à 24 km/h, et comme le dit Sophie, une récente adepte, à 42 ans, de la trotte en milieu urbain, «je vous assure que je pousse rarement dans Paris à cette vitesse-là». Pareil pour Lisa, la Niçoise : «Une trottinette qui monte à 30 km/h n’a pour moi rien à faire sur la route ou le trottoir, mais de fait, comme il n’y a pas de législation, on roule aussi sur la route.»
L’un des principaux avantages de la trottinette électrique est qu’on n’arrive pas en nage au bureau, et que ça «prend moins de place qu’un vélo, c’est accepté partout, au bureau comme chez le docteur». Ni essence, ni assurance, ni parking, non plus. En revanche, «la trottinette n’est pas aussi stable qu’un vélo pour passer les obstacles, gérer les montées de trottoirs ou les sols irréguliers. J’ai tendance à rouler vite et j’ai déjà fait quelques chutes, je ne comprends pas les gens qui roulent sans casque». Le gros danger en ville, selon Fabien Madore, «ce sont les piétons et les scoots, les uns n’entendent rien et les autres roulent comme des dingues».
«Saturation»
Charlie, du groupe Facebook «E-twow France» lancé il y a cinq mois, fait «de petits trajets, entre 5 et 6 kilomètres, et des plus grands de 20 à25 km. Comme de nombreux Parisiens, je prends les transports en commun pour me déplacer : foule, proximité, pollution, bruit, incivilités parfois, ces modes de transport pourtant bien utiles sont difficiles à vivre au quotidien». C’est cette saturation lente qui l’a amené à se renseigner «sur ces modes de déplacement alternatifs». Dans leur pôle de réflexion sur Facebook, ils militent pour «ces modes de transport importants dans nos villes saturées de pollution». C’est sûr, le piéton va moins vite et moins loin…
Dans cette idée du bien rouler ensemble, «nous attendons tous une première législation. Actuellement, nous sommes « interdits » partout mais tolérés sur les routes, pistes cyclables et trottoirs, poursuit Charlie. Nous aimerions être assimilés aux VAE [vélo à assistance électrique]. Les trottoirs nous seraient interdits, sauf engin à la main»