Le Matin – 09/11/2015
Laura Juliano
Il s’appelle «Grey 12S», a l’allure d’un vélo, mais peut en un coup de gâchette vous propulser jusqu’à 70 km/h. Pas besoin de pédaler!
D’une puissance de 12 kW, ce véhicule high-tech à propulsion électrique, développé par l’entreprise automobile croate Rimac, vient d’arriver en Suisse. «Le Matin» l’a testé pour vous, sur une route privée à Chexbres. C’est à notre journaliste technophile et adepte de vélo électrique, Jean-Charles Canet, que nous avons confié le guidon. Pour l’activer, il suffit de presser son pouce sur un capteur à reconnaissance digitale. Un écran numérique permet de sélectionner trois modes de conduite: street (25 km/h), Eco (50 km/h) et power (70 km/h).
Après un premier tour de piste en mode Eco, notre testeur passe à la formule la plus puissante. Un coup d’accélérateur, et le voilà parti en un éclair, atteignant rapidement une vitesse de pointe qu’aucun vélo électrique sur le marché ne saurait égaler. Verdict? «Ça dépote sec! La vitesse et l’accélération sont extraordinaires. La tenue est rassurante. En revanche, il fait un peu plus de bruit que les vélos électriques classiques. L’angle de braquage est plus restreint. Il faut en tenir compte, quand on fait des demi-tours. Finalement, il se compare davantage à une moto qu’à un vélo. Son poids nécessite une certaine maîtrise.» En effet, pour pédaler sans mettre les gaz, il faudra de bons mollets: le bolide, composé de pièces en carbone, pèse 49 kilos.
Jean-François Ruchonnet, promoteur de la marque en Suisse, n’a aucun doute là-dessus: c’est le véhicule du futur. Une fois homologué, il devrait être à même de concurrencer les scooters et moto en ville. «L’objectif est de permettre au conducteur de se fondre aisément dans la circulation tout en restant agile, indique-t-il. Il est aussi puissant qu’une moto, plus maniable, permet des accélérations plus vives, il est moins bruyant et plus économique. Le recharger coûte 1 franc et il ne nécessite presque pas d’entretien.»
L’Etat intéressé
En attente de son homologation – dont la demande est en cours –, le vélo est en vente libre pour une utilisation privée au prix de 7000 à 10 000 francs. La société genevoise Sygmalion, qui gère l’importation du produit, espère le voir inscrit dans la catégorie des 125 cm3. Contacté, l’Office fédéral des routes indique ne pas encore avoir étudié le dossier, mais confirme que le deux-roues ne peut être considéré comme un vélo puisqu’il dépasse la vitesse autorisée de 45 km/h. Peu de chances, donc, que le produit n’échappe à l’obligation de disposer d’un permis et de porter un casque de moto. «Mais ce n’est pas très pénalisant, assure Jean-François Ruchonnet. J’y crois profondément. Une version moins haut de gamme intéresse même certains services de l’Etat genevois qui ont besoin d’une mobilité rapide.» L’entreprise croate a déjà vendu 250 véhicules à la police bolivienne.
Détail ingénieux: le système de reconnaissance par empreinte digitale permet de régler la vitesse maximale en fonction de son utilisateur. Un moyen, par exemple, de protéger ses enfants en limitant la puissance lorsqu’ils montent en selle. Le tableau de bord numérique, équipé d’un GPS et d’une connexion Bluetooth, affiche la répartition de la puissance dans chaque microbatterie du véhicule. Chargées au moyen d’une prise normale 220 v et d’un chargeur dédié, elles offrent une autonomie jusqu’à 150 km en mode Eco.
Pour l’heure, Jean-François Ruchonnet est le seul à détenir un Grey 12S en Suisse. Et il ne passe pas inaperçu. «J’ai un plaisir malin à pédaler avec ce vélo dans les bois et mettre les gaz lorsque d’autres cyclistes arrivent, s’amuse-t-il. Personne ne s’y attend, l’effet de surprise est très drôle.» Et ce n’est pas peu dire. Durant notre expédition, des passants interloqués n’ont pas hésité à interrompre le tournage pour examiner l’engin.